Page:Langlois - La decouverte de l'Amerique par les Normands vers l'an 1000. Deux sagas islandaises, 1924.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
83
par les normands vers l’an mille

à l’entrée du Graumhofn. Trente personnes partirent avec lui. Orm de Arnastapi était de ceux-là avec sa femme et d’autres amis-de Thorbjorn qui n’avaient pas voulu le quitter.

Alors, ils prirent la mer, et lorsqu’ils furent au large, le bon vent tomba. Ils s’égarèrent et subirent beaucoup de maux cet été-là. Les maladies survinrent. Orm et sa femme Halldis moururent et la moitié de l’équipage. La mer devint forte, le surmenage et la misère se firent sentir de toutes façons.

Ils arrivèrent cependant à Herjolfness au Groenland au début de l’hiver. À Herjolfness vivait un nommé Thorkell. C’était un bon administrateur. Il recueillit Thorbjorn et son équipage durant tout l’hiver. Cette période fut mauvaise au Groenland. De ceux qui étaient partis à la pêche, les uns prirent peu de poisson, d’autres ne revinrent jamais.

Une femme, Thorbjarga, vivait dans la petite colonie[1]. C’était une voyante et on l’appelait la « petite sybille ». Elle avait eu neuf sœurs qui avaient été aussi des voyantes, mais elle seule leur survivait. Elle avait l’habitude, durant les hivers, de se rendre aux fêtes et on la recherchait particulièrement dans les demeures de ceux qui étaient curieux de connaître leur destinée, ou ce que leur réservait la vie. Comme Thorkel était un propriétaire important, on comptait sur lui pour essayer de savoir quand la mauvaise période que la colonie traversait cesserait.

Thorkel invita la voyante chez lui, et on fit de sérieux préparatifs pour la recevoir, selon la coutume habituelle, quand on traitait des femmes de son espèce. On prépara pour elle un siège élevé sur lequel on plaça un coussin qui devait être rempli de plumes de poules. Mais quand elle arriva, le soir, avec l’homme qu’on avait envoyé pour la chercher, elle était habillée d’un manteau bleu foncé, tenu par une courroie et garni de pierres jusqu’au bord inférieur. Elle portait des perles de verre autour du cou, sur la tête un bonnet de peau d’agneau noir, bordé d’une peau de chat blanc. Elle tenait à la main un bâton, terminé par un bouton, orné de cuivre et garni de pierres jusqu’aux environs

  1. Scène de double vue.