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la découverte de l’amérique

du bouton. Autour de la poitrine, s’enroulait une ceinture d’écorce[1], à laquelle pendait une grande besace de peaux, dans laquelle elle conservait les charmes dont elle se servait pour ses pratiques de sorcellerie. Elle était chaussée de chaussures en peau de veau aux poils hérissés, avec de longs cordons grossiers, au bout desquels pendaient de gros boutons de laiton. Elle portait sur ses mains des gants en peau de chat, blancs à l’intérieur et bordés de fourrures. Quand elle entra, chacun sentit qu’il était de son devoir de lui offrir les souhaits de bienvenue. Elle reçut les salutations de chaque personne selon le degré de plaisir qu’elle éprouvait. Thorkel, le maître, prit la voyante par la main et la conduisit au siège qu’on lui avait préparé. Thorkel la pria de jeter les yeux sur hommes, bêtes et maison. Elle trouva peu à dire de tout cela. Les tables furent apportées dans la soirée et il faut dire quelque chose de la nourriture préparée pour la voyante : un bouillon de chèvre, et comme viande, des cœurs de toutes espèces d’animaux de la région. Elle se servait d’une cuillère de laiton et d’un couteau dont la poignée d’ivoire était ornée d’un double anneau de laiton autour du manche et dont la pointe était ébréchée. Les tables furent enlevées et Thorkel le maître s’approcha de Thorbjarga et lui demanda ce qu’elle pensait de la maison, du caractère de l’assemblée et si elle consentirait bientôt à se souvenir des choses sur lesquelles on l’avait questionnée et que l’assistance était désireuse de connaître. Elle répondit qu’elle ne pourrait pas se décider sur ce sujet avant le lendemain, après avoir dormi dans l’endroit toute la nuit. Et le lendemain, alors que la journée était fort avancée, on fit tout ce qu’il fallait pour qu’elle pût faire ses incantations. Elle demanda qu’on fit venir les femmes qui savaient les formules nécessaires à ces incantations qu’on appelait « vardlokkur »[2]. On ne connaissait point de telles femmes. On chercha dans toute la maison quelqu’un qui pût savoir ces incantations. Alors, Gudrid dit : « Bien que je ne sois pas versée dans

  1. Hnjoskr, mot de sens mal déterminé, écorce, amadou.
  2. De « vard » : gardien et « lokkur » appeler, invocation aux génies tutélaires.