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Page:Langlois - Rig Véda.djvu/90

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[Lect. V.]
INDE. - POÉSIE LYRIQUE.


5. Ils donnent la richesse, et remuent le monde ; ils détruisent leurs ennemis, et produisent par leur puissance les vents et les éclairs ; les nuages du ciel sont comme une mamelle qu’ils pressent vivement, et, parcourant avec bruit les airs, ils engraissent la terre d’une eau féconde.

6. Les Marouts, riches en présents, répandent le lait céleste ; tels, dans les cérémonies sacrées, les (prêtres) versent le beurre liquide. De même que l’écuyer dresse le cheval, eux, ils apprennent au nuage à pleuvoir. C’est une nourrice intarissable qu’ils ont l’art de traire au milieu des mugissements de la foudre.

7. Magnifiques et habiles à changer de formes, vous vous parez de superbes lueurs, et vous avancez rapidement, forts, et pareils à de larges collines ; tels que des éléphants sauvages, vous renversez les forêts, quand à votre char puissant vous avez attelé des (coursiers) rougeâtres[1].

8. Ces (dieux) riches et prévoyants frémissent comme des lions. Leur beauté est celle du chevreuil. Terribles (pour un ennemi), bons (pour leur serviteur), ils poussent avec ardeur les daims[2] qui les emportent ; et, agitant leurs armes, ils s’unissent pour faire sentir (à ceux qui leur résistent) leur puissant et funeste courroux.

9. Héros pleins de vigueur, troupe amie des mortels, faites retentir, de votre voix animée par la colère, et la terre et le ciel. Et déjà, sur le siège de vos chars, ô Marouts, j’ai cru voir vos formes admirables s’élever, et briller comme l’éclair.

10. Ces (dieux) possèdent tous les biens, et habitent avec la richesse ; ils sont doués d’une force tumultueuse et d’une voix éclatante ; habiles archers, ils tiennent une flèche dans leurs mains ; héros dont la puissance est sans borne, ils semblent mordre le nuage pour en extraire (la pluie).

11. Montés sur leurs chars aux roues d’or, les Marouts amoncellent les nuages, et les poussent sur leur route comme des montagnes. Dignes de nos hommages, ils vont, ils se précipitent, abattant ce qui est solide, exerçant leur dur empire, et armés de traits resplendissants.

12. Nous invoquons ces enfants de Roudra, sages, purs, redoutables, et dispensant la pluie. Honorez, pour votre bonheur, cette famille des Marouts, forte, libérale, victorieuse, et parcourant le domaine des airs.

13. Ô Marouts, le mortel que vous protégez surpasse tous les autres en puissance ; ses coursiers ont de gras pâturages, ses gens ont la richesse ; il voit croître son opulence et la renommée de ses sacrifices.

14. Ô Marouts, donnez à nos nobles seigneurs un fils fort dans ses œuvres, difficile à vaincre dans les combats, magnifique, robuste, opulent, éclairé, et digne d’être chanté. Puissions-nous, pendant une centaine d’années, célébrer une telle famille !

15. Ô Marouts, accordez-nous une fortune qui soit stable ; que nos gens soient pleins de force, qu’ils soutiennent les attaques de nos ennemis. Que cent, que mille trésors augmentent notre richesse ! Que, dès le matin, nos protecteurs viennent recueillir le tribut de notre prière.


HYMNE IV.

À Agni, par Parasara, fils de Sacti, petit-fils de Vasichta.

(Mètre : Dwipada.)

1. Tel que le brigand qui se renferme dans sa caverne avec son bétail, (tu te caches)[3], ô (dieu), qui te joins au sacrifice et qui portes les offrandes !

2. Cependant les (Dévas), tes sages compagnons, suivent tes traces[4] ; et tous, habiles sacrificateurs, ils savent te retrouver.

3. Les Dévas poursuivent le cours des saintes cérémonies ; et bientôt (le dieu) s’est entouré de (rayons) abondants et brillants comme la lumière du ciel.

4. Les ondes (sacrées)[5] augmentent sa force ; leur (doux) breuvage fait grandir cet heureux nourrisson, né au giron du sacrifice.

5. Tel qu’une agréable végétation, que la terre étendue, que la colline chargée de fruits, que l’eau salutaire ;

6. Tel que le coursier débarrassé de ses liens, que la mer impétueuse, tel est Agni. Qui donc peut le maîtriser ?

  1. Le poëte désigne ainsi ces nuages rougeâtres qui annoncent le vent.
  2. Je ferai remarquer que le mot prichati signifie à la fois daim et goutte de pluie.
  3. Le commentaire dit que le dieu se cache dans l’Aswattha (aswatthagouhâ), bois dont est formé l’aranî.
  4. Le mot pada contenu dans ce vers est amphibologique ; il s’explique par pied dans ses deux significations, membre du corps humain et membre de vers.
  5. C’est-à-dire les libations.