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Page:Langlois - Rig Véda.djvu/91

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[Lect. V.]
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RIG-VÉDA. - SECTION PREMIÈRE.


7. Agni est pour les ondes comme un frère pour ses sœurs ; de même qu’un roi dévore les riches, de même il dévore les bois,

8. Quand, excité par le vent, il se jette sur la forêt et déchire la chevelure de la terre.

9. Tel que le cygne qui plonge, il souffle au milieu des ondes[1]. Éveillé dès l’aurore, il avertit les hommes que l’heure de l’œuvre sainte est arrivée.

10. Ainsi que l’excellent soma[2], il naît du sacrifice. De même que l’animal au sein de sa mère, (il est faible d’abord) ; bientôt il se développe, et porte au loin ses splendeurs.


HYMNE V.

À Agni, par Parasara.

(Mètre : Dwipada.)

1. Tel qu’un trésor richement varié, un soleil resplendissant, un souffle vital, un fils dévoué ;

2. Tel qu’un coursier docile, tel est (Agni) ; pur et brillant, il s’attache au bois comme la tendre génisse à la mamelle de sa mère.

3. Tel qu’une maison agréable, il renferme notre bonheur ; tel que la moisson que (le soleil) a mûrie, il doit conquérir (l’amour) des hommes.

4. Tel que le poëte qui chante (les dieux), il est béni par les mortels ; tel que le coursier chéri, il apporte (à la terre) sa nourriture.

5. Entouré d’un éclat incomparable, il accomplit sans relâche son œuvre sainte ; il est dans le foyer, semblable à une épouse fidèle dans sa maison : il embellit tout ;

6. Et quand il allume ses flammes variées, il brille comme le soleil dans le monde, comme un char doré dans les batailles.

7. Il répand la terreur de même que l’armée qu’on lance (au combat), de même que la flèche de l’archer garnie d’une pointe étincelante.

8. Jumeau du passé, jumeau de l’avenir, il est le fiancé des filles et l’époux des femmes.

9. Comme les vaches vont vers l’étable, nous, le matin et le soir[3], nous venons vers lui dès l’instant qu’il brille.

10. Ainsi qu’une onde impétueuse, le voilà qui pousse ses vagues (enflammées), et ses rayons s’élèvent vers la voûte du ciel.


HYMNE VI.

À Agni, par Parasara.

(Mètre : Dwipada.)

1. Né sur le bûcher, ami des mortels, (Agni) chérit le père de famille qui ordonne le sacrifice[4], comme un roi chérit l’homme fort.

2. Tel qu’un protecteur vertueux, tel qu’un prêtre vénérable, il est notre patron, notre sacrificateur, le porteur de nos offrandes.

3. Dans sa main il tient toutes les richesses, et quand il se renferme dans sa retraite[5], les Dévas commencent à trembler.

4. Les prêtres alors le découvrent, (les prêtres) dévoués à la prière, et chantant les hymnes que le cœur inspire.

5. Semblable à (l’astre) voyageur[6] il soutient l’air et la terre ; encouragé par les invocations pieuses, il affermit le ciel.

6. Agni, jouis des diverses offrandes qui te sont présentées ; toi qui es la vie de tous les êtres, quitte chaque jour pour nous ta retraite.

7. Celui qui sait le tirer de sa retraite, et qui le ramène au foyer du sacrifice,

8. (Agni) le comble de biens, ainsi que ceux qui l’honorent par leurs saintes pratiques.

9. Il enveloppe (de sa flamme) les ramées, et attaque avec force le corps même des branches (qui sont comme) ses mères[7].

10. Sage soutien de tous les êtres, il habite le séjour des ondes (sacrées), où tes (hommes) religieux lui ont préparé avec soin une espèce de demeure.


HYMNE VII.

À Agni, par Parasara.

(Mètre : Dwipada.)

1. (Agni), animé par nos libations, s’élève vers le ciel, où il porte (nos offrandes) ; il éclaire la nuit, (il illumine) tous les êtres, animés et inanimés ;

  1. Je crois que c’est une allusion au bruit que fait le feu recevant les libations.
  2. Dieu de la libation.
  3. Il y a ici deux mots, tcharath et vasatî, qui, suivant le commentaire, sont des invocations faites aux crépuscules. Je suppose que vasatî est celle du soir, quand on va rentrer à la maison, et tcharath celle du matin, quand on se lève pour marcher et mettre les troupeaux en mouvement.
  4. Srouchti me semble être le père de famille qui dispose le sacrifice, et qu’il faut distinguer du prêtre qui dirige les cérémonies. Voy. page 53, col. 1, note 1.
  5. Le texte emploie le mot gouhâ, pour désigner la retraite d’Agni au sein de l’aranî. Voy. page 82, col. 2, note 1.
  6. J’ai pris adja dans le sens de voyageur.
  7. Avec les branches d’arbre qui forment le bûcher, le feu est nourri, et le poëte appelle ces branches les mères d’Agni. Cependant le mot prasoûh, traduit par l’idée de mère, peut ne signifier que branches.