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Page:LeMay - L'affaire Sougraine, 1884.djvu/120

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l’affaire sougraine

donnés ! Vous qui sentez leurs chauds baisers sur vos fronts vous ne savez pas ce que j’endure, moi qui suis seul au monde ! seul comme l’engoulevent dont l’autour a dévasté le nid ! Elle n’est jamais là, ma fille, pour me sourire quand je suis désolé, pour essuyer l’eau qui coule sur mon front après de longues courses, pour me murmurer de ces paroles douces qui nous font songer aux anges. Je n’ai jamais reçu, moi, les caresses de ma fille bien aimée, de ma petite Estellina ! Elle serait grande aujourd’hui, comme ces belles jeunes filles qui sont là. Elle serait jolie, j’en suis sûr, jolie et douce comme une violette qui parfume l’ombre. Elle serait bonne aussi. Je voulais qu’elle fût bonne et sût, comme vous, mademoiselle, s’attendrir sur le sort des malheureux.

Il regardait mademoiselle D’Aucheron.

Léontine se cacha le visage dans son mouchoir et se mit à pleurer. D’autres aussi pleuraient. La Longue Chevelure lui-même s’interrompit un moment pour laisser son émotion se calmer. Il avait évoqué le passé et le passé lui était apparu dans toute son amertume.