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l’affaire sougraine

— Si c’était lui ! pensa la vieille.

Et elle se prit à trembler à son tour. Elle eut peur…

— Vous n’êtes pas d’ici ? risqua-t-elle, de sa voix cassée.

— Non, répondit l’Indien, on n’est pas d’ici…

— Allez-vous loin ?

— Oui, on va loin…

Elle s’approchait avec son morceau de pain. Sougraine avait envie de se reculer. Il sentait comme un fer rouge le regard inquisiteur de cette vieille femme. Elle s’avançait toujours tenant un morceau de pain à la main. Soudain elle s’écria, d’une voix terrible, pleine de colère et de douleur…

— Sougraine, qu’as-tu fait de ma fille ?

L’abénaqui, terrifié, ne songea pas même à fuir. Il tomba à genoux.

— Pardon, dit-il, pardon !

La vieille femme était presque belle dans son indignation…

— Sougraine, tu m’as ravi mon enfant, ma fille bien-aimée, mon Elmire que j’aimais tant !… tu l’as déshonorée,… tu l’as perdue aux yeux de