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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/105

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jours, mais elle ne s’y habituait pas. Tout faisait lever en elle les images funèbres. Elle ne pouvait plus supporter l’odeur d’une bougie ; le moindre bruit ressemblant à des pas d’hommes portant un lourd fardeau, la remplissait d’une douleur renouvelée. Quelle révolte surtout de recommencer à vivre comme si rien n’était arrivé ; de manger, de dormir ; de parler et de rire encore, malgré le chagrin, si une chose amusante survenait. Elle ne s’accoutumait pas surtout à voir ses frères dans le fauteuil de son père. Ce fauteuil où tous les soirs il lisait son journal, fumait sa pipe, ce fauteuil, qu’il occupait toujours quand il demeurait à la maison. La nuit venue, Monique passait avec un frémissement devant cette chaise ; il lui semblait qu’invisible, son père mort s’y assoyait encore.

Monique constatait avec une joie mystique que tout allait mieux qu’autrefois. Les événements donnaient raison à la foi de sa mère. Une vieille tante qui vivait seule vint habiter avec eux ; elle les aida avec sa modique pension. Monique trouva deux ou trois élèves. Elle commença les leçons en septembre, et ne fut occupée que l’avant-midi. Le reste de la journée lui appartenait comme auparavant. Tout en conservant des loisirs, elle gagnerait assez d’argent pour ses dépenses personnelles.