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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/110

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LA PLUS BELLE CHOSE DU MONDE

heureux d’être bien soigné, sans que personne de ma famille ait à supporter des dépenses exorbitantes. Cette existence vagabonde possède son charme. Je vais d’un sanatorium à l’autre, suivant les saisons, traînant après moi mes journaux et mes livres. Bien portant, aurais-je pu satisfaire ce goût ? J’en doute, si j’observe mes frères. Ils sont absorbés par les affaires, les obligations matérielles. Et partout, dans mes voyages, je rencontre des gens qui me plaisent ; je m’attache un peu ; rien qu’un peu. C’est le côté le plus pénible de mon état. Il faut toujours se surveiller, guetter son cœur. Ne pas s’attendre à être comblé, comme vous vous y attendez, sans doute, mademoiselle Lucette…

— Qui vous dit que je m’y attends ?

— Au fait, vous ne vous y attendez pas, vous l’êtes. Vous riez. Tout vous enchante. Vous dites cent fois par jour, sans vous en apercevoir : c’est amusant. Alors, sans être prophète, je suis tout de même certain qu’un jour votre bonheur aura plus d’envergure, de meilleures raisons d’exister. Tandis que le mien, allez…

— Quelles nouvelles aujourd’hui ?

— Mais vous avez des lettres, mademoiselle Lucette. Dans la boîte j’en ai vu deux ou trois pour vous. Je ne vous le disais pas…