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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/109

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plus souvent il l’emprisonnait, restait gai, bon compagnon, plein de verve, d’esprit, d’entrain. Lucette lui comparait Pierre Frappier qui, sans raison écrasait le monde de sarcasmes.

Elle fit claquer la barrière du jardin, allongea le pas pour monter l’allée caillouteuse. Vincent, de sa chaise longue au coin le plus ensoleillé de la galerie, la vit venir ; elle aurait voulu lui confier ses impressions. Mais non, il ne fallait pas étaler sa joie de vivre devant celui qui ne pouvait pas posséder le bonheur.

Doué d’une grande finesse, il la devina :

— Ne redoutez pas de me chagriner avec votre gaieté. Si vous étiez malade, vous désireriez comme moi que les autres ne le soient point. Votre bonheur, je voudrais vous l’attacher solidement dans les bras pour qu’il ne tombe jamais.

Depuis longtemps le soleil avait séché sur elle son maillot de bain, et sa robe de chambre épaisse l’habillait comme un manteau. Elle pouvait rester un peu et causer. Elle se laissa choir sur la chaise à côté de lui. Il continuait, répondant sans s’en douter aux réflexions qui, un instant auparavant, occupaient la pensée de Lucette :

— Oh ! Je passe de mauvais moments ; mais aujourd’hui, ils ne persistent plus. On trouve toujours plus à plaindre que soi. En somme je suis