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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/119

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meilleurs qu’en manuscrit ; mais elle se sentait nue, devant le public, elle avait honte, elle brûlait.

Tout de même, puisqu’on les avait publiés, ils possédaient une certaine valeur, une certaine force ? Elle détenait en elle-même quelque don précieux. Merveille, subite et resplendissante beauté de la vie. Et tout en continuant de souffrir, elle ne savait au juste de quoi, elle remerciait le Ciel de ce don qu’elle estimait plus que la richesse, plus même que l’amour.

Ensuite, chaque fois que quelqu’un, dans la famille, prenait le journal, elle s’effrayait : il fallait à tout prix que personne ne sût qu’elle avait composé ces vers. Son être secret, elle tenait à le dissimuler à tous. Du reste, elle aurait désiré disparaître, ne plus exister que par ses écrits, demeurer invisible. Elle sortait de la pièce, redoutant que devant elle on lût son poème.

Elle éprouvait pourtant le lourd besoin des louanges. Elle tenterait à l’occasion de les supporter sans broncher, sans se trahir. Bientôt elle fut comblée ; quatre dimanches de suite, elle eut, dans la même page du journal, quelque sonnet ou quelque fantaisie. Un jour, elle s’en allait à la bibliothèque avec Lucette, et celle-ci lui dit :

— As-tu vu ces vers qui paraissent depuis quelque temps sous la signature de Jacqueline