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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/120

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LA PLUS BELLE CHOSE DU MONDE

André ? Ils me plaisent beaucoup. On dirait que l’une de nous les a écrits : c’est notre jeunesse, ce sont nos impressions, ce sont nos amours. Mais nous, nous ne saurions les exprimer aussi bien…

Claire bredouilla et fit au plus tôt dévier la conversation. Avec Nicole, elle se fût trahie. On détournait plus facilement l’attention de l’optimiste Lucette.

Désormais, Claire eut confiance en elle-même ; ce mince éloge inachevé lui suffisait comme stimulant. Elle travaillait sans répit. Enivrée, trépidante, elle vécut la période la plus heureuse à la fois et la plus solitaire de son existence.

Cependant, ses amies se disaient entre elles :

— Claire devient étrange ; elle ne veut plus jamais sortir ; si nous voulons la voir, il faut forcer sa porte. On dirait qu’elle ne tient plus à nous, qu’elle préfère rester seule !

Était-elle seule, en vérité ? Elle se penchait sur son secrétaire aussi joyeuse et transfigurée que pouvait l’être Nicole lisant les douces lettres d’Alain. Sa plume glissait, courait, ailée, rapide, vivante. Elle travaillait dans la béatitude ; l’inspiration comble la jeunesse, les impressions font vibrer des nerfs neufs.

Claire se croyait la première à découvrir le monde avec un tel émoi.