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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/122

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LA PLUS BELLE CHOSE DU MONDE

Les projets antérieurs perdaient leur netteté dans un brouillard. L’homme qu’elle avait auparavant enveloppé de son mépris enfantin et chaste reprenait ses droits. Il se transformait, en la personne d’Alain Dorval, en un être excessivement attachant, précieux, intelligent et bon.

Avec Alain, lui semblait-il, elle pourrait sans fin échanger des idées dans la félicité et le ravissement. Ils abordaient tous les sujets, avec une gravité qui s’égayait en éclairs de grands éclats de rire ; pour un quiproquo ; pour une phrase dépassant la pensée de l’un ou de l’autre ; pour un superlatif exagéré de la part de Nicole qui perdait, dans l’exaltation du moment, beaucoup de son habituelle pondération.

Le facteur continuait à jouer dans leur vie son grand rôle. L’après-midi en rentrant, Nicole avant d’allumer la lampe devinait dans l’ombre, sur sa table, le carré blanc de l’enveloppe d’Alain. Elle la gardait dans ses mains un moment avant de l’ouvrir. Douces impressions ; le sentiment presque jamais n’apparaissait, mais il baignait les pensées comme de l’eau, une éponge. Et ses réponses s’imprégnaient de même façon d’un amour caché mais puissant.

Avec ardeur, Alain enseignait à Nicole comment les doctrines nationalistes de Barrès pouvaient s’appliquer au Canada français. La jeune