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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/123

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fille abandonnait les livres de Bordeaux, de Bourget, pour Colette Baudoche, Au service de l'Allemagne, Les amitiés françaises, et les énormes volumes de la trilogie où, en Sturel, Nicole désirait retrouver Alain. Ils étudiaient des choses bien graves, mais ils les illuminaient d’une mutuelle et subtile tendresse.

Un Alain marivaudeur n’aurait pu conquérir Nicole. Mais cette virilité d’esprit, cette passion pour les idées, cette droiture la saisissaient. Il parlait religion, patrie, lettres. Il apportait un article de journal, signalait une revue, quelque nouveau mouvement national. Et puis, ensemble, ils méprisaient les opinions qu’ils ne partageaient pas.

Nicole n’avait pas négligé les sports. Deux fois par semaine, l’après-midi, elle allait nager à la Palestre Nationale, alors toute neuve. Dans l’eau glauque de la piscine, ses mouvements rythmés, égaux, berçaient sa rêverie comme une musique : Alain habitait constamment sa pensée. Elle se disait :

— Il est au cours. Il a reçu ma lettre. Il pense à moi, lui aussi. Il sait où je suis.

Une pareille certitude donnait de la plénitude à son amour. Sans cesse un feu de joie flambait en elle. Une chanson délicieuse et imprécise chantait dans son âme ; quelque fée présidait d’ail-