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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/124

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LA PLUS BELLE CHOSE DU MONDE

leurs à l’arrangement de leurs jours. La ville si grande semblait rétrécir ; et lorsqu’elle faisait des courses, au début d’une après-midi, Nicole, ravie, rencontrait Alain par hasard. Elle l’apercevait devant elle, en personne, au moment où justement elle tenait avec lui une conversation intérieure. Et les yeux d’Alain, dans l’étonnement du premier regard, enchantaient son cœur. Soudain la vie s’illuminait, s’affirmait aussi belle que le plus incroyable des rêves.

Considérant cette rencontre inespérée comme l’indication d’une volonté providentielle, ils passaient ensemble l’après-midi.

Alain soutenait que le cours qu’il devait suivre n’avait pas d’importance ; il se libérait sans remords des devoirs dont la gravité disparaissait lorsque Nicole était là.

Ils s’en allaient alors, indifférents aux autres, sans éprouver la fatigue de leurs pas, sans souffrir du froid, sans voir la rue boueuse ; leur cœur et leur intelligence n’avaient plus qu’une passion : se découvrir, se confier. C’était l’automne et la nuit tombait vite et tristement.

Même si l’animation de la ville parvenait à les tirer de leur rêve, les édifices et les choses sans couleur et sans beauté prenaient un visage transfiguré, une apparence heureuse ; avec ce moment de bonheur imprévu qui leur était accordé gratuitement, la rue s’éterniserait désormais dans