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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/133

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Certains jours, toutefois, son optimisme renaissait, ses songes changeaient de teinte. On guérirait Jean, à cet hôpital. Les médecins accomplissaient aujourd’hui des cures extraordinaires. Il marcherait de nouveau et reprendrait une existence normale.


Ses rêveries projetées si loin dans l’avenir s’appuyaient sur un visage d’homme qu’elle imaginait. Jean comptait à peine dix-sept ans, la dernière fois qu’elle l’avait vu. Elle ne se souvenait nettement que des yeux presque verts, des traits aigus, de la pâleur ; elle croyait aussi se souvenir de la bouche trop grande, des dents fortes comme des dents de loup. Il est vrai que leur dernière entrevue avait été une entrevue de guerre.

Se promenant seule sur la plage désertée de Percé, l’air salin lissant sa peau fraîche, que de souhaits Lucette adressait à la ligne droite que traçait la mer bleue foncé sous le ciel pâle ! Son cœur se dilatait violemment à l’idée d’être transportée, avec un Jean guéri, dans cette barque à voile blanche qui filait là-bas dans l’azur.

En un colloque intérieur perpétuel, Lucette composait de vifs plaidoyers pour son amour ; elle organisait d’avance sa vie ; elle éviterait le malheur ; elle prouverait à l’univers entier qu’elle avait eu raison d’accepter un pareil destin. Le