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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/134

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LA PLUS BELLE CHOSE DU MONDE

foyer, les enfants, elle les remplacerait par d’autres affections. Être le rayon de soleil d’un emmuré vivant, n’était-ce pas du reste aussi méritoire que d’être une mère de famille ? Elle n’avait pas choisi son destin, les circonstances le lui imposaient, mais elle saurait offrir au monde un visage satisfait.


Quand elle vit Jean, en octobre, elle eut un imperceptible mouvement de recul. Son imagination l’avait transfiguré. Elle en avait fait un héros de roman. La réalité s’avérait loin du rêve. La maladie avait saisi le jeune homme en pleine croissance. Il était frêle, malingre et son aspect désappointa Lucette.

Mais le sourire si admiratif, si ému de Jean, quand il la vit auprès de lui, noya la déception de la jeune fille d’une profonde vague de pitié. Elle le consolerait ; il serait heureux malgré tout, puisqu’elle l’aimerait.

Lui, semblait oublier son infirmité. Il parlait avec verve, avec gaieté. Il habitait une pièce toute tapissée de livres. Il lui en prêta, et elle entra tenant sa main maigre et tannée, dans le royaume de Musset, de Sully Prud’homme, de Louis Mercier, dans le pays chimérique et tendre de la Princesse Lointaine, de Rostand alors en pleine gloire…