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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/136

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LA PLUS BELLE

ramures effeuillées. La grippe espagnole n’avait pas encore achevé ses ravages. Le bonheur paraissait impossible. Vers le soir, la bonne nouvelle avait été démentie. La guerre durait toujours.

Mais le onze, la bonne nouvelle revint indéniable, et le bonheur put librement envahir les âmes. Claire éprouva le désir de revoir ses amies. Elle leur téléphona et toutes les trois acceptèrent son invitation.

Pour la première fois depuis le retour de Lucette, depuis le deuil de Monique, depuis que s’altérait l’indépendance de Nicole, le quatuor se retrouvait au complet.

Nicole dissimulait sa métamorphose, mais une lueur profonde dans ses yeux bruns, le sourire plus facile, enlevaient à sa physionomie l’étrange sévérité qui, à quinze ans, la distinguait.

— La guerre est finie, est-ce croyable ?

— Jacques Préfontaine n’aura pas eu le temps d’aller loin.

— Mais il verra un peu d’Europe, au moins…

— Et traverser l’océan, c’est quelque chose, si j’en juge par la mer à Percé…

Lucette, bien enfoncée dans le fauteuil vert, se mit à parler des beautés de ce pays d’où elle arrivait.

— Quand j’ai fait pour la première fois le tour de Pile Bonaventure, j’ai cru que je rêvais. Ima-