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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/25

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fesseur Poupon Rose. Ce pseudonyme stupide, bien masqué, qui ne rappelait en rien l’être qu’il désignait, les amusait d’autant plus. En pleine classe, elles parlaient de Poupon Rose, sans alarmer la vigilance de Mère. Dans leurs compositions, elles glissaient parfois en de beaux passages soignés une description d’enfant blond. S’extasier devant des chérubins joufflus, n’était-ce pas naturel, et plutôt de bon aloi, pour des petites filles ? Quand les narrations méritaient d’être lues à haute voix, elles échangeaient des regards d’intelligence, étouffaient de furtifs fous rires.

Si la religieuse, pourtant, avait capturé les billets que ses élèves préférées se lançaient pendant l’arithmétique, elle aurait médité en toute connaissance de cause sur l’abondance de leurs expressions ravies. Parfois Monique écrivait à Claire :

— « Ma chérie, tu ne devineras jamais qui j’ai vu face à face, à midi… beau comme un rêve, les mains dans ses poches, la serviette sous le bras, les oreilles à moitié gelées… Il s’obstine à rentrer profondément sa tête dans ses épaules au lieu de relever son col de fourrure. Il ne s’habituera donc jamais à notre climat ? Ou bien peut-être se trouve-t-il ainsi plus pittoresque ? Qu’en penses-tu ? Moi, je n’ai qu’un souci. S’il s’enrhume, le cher poupon, nous serons privées de notre cours