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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/24

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le professeur recommandait au cours. Elle s’amusait aussi à les entendre discuter les classiques avec tant d’aplomb, et rire du style ampoulé et prétentieux, des périphrases ronflantes, qu’elles admiraient encore il n’y avait pas si longtemps.

Le mardi matin, régulièrement, Mère Sainte-Marie de la Crèche les priait de lui résumer le cours entendu la veille. Avec leurs quatre mémoires, elles finissaient par répéter tout ce que le professeur avait dit. Elles savaient même combien de fois, dans la soirée, il avait employé son mot favori : pittoresque.

Mais ces récits du cours, trop animés, trop chaleureux, cachaient anguille sous roche : elles aimaient leur professeur.


Elles l’aimaient d’un amour exalté, mais d’un amour extrêmement pur, désintéressé, sans espoir précis. Elles l’aimaient sans éprouver entre elles aucun sentiment de rivalité. Il leur suffisait de pouvoir rêver, de posséder un idéal vivant, marchant, parlant. Il fallait bien occuper son cœur. L’élu payait parfois durement l’honneur qu’elles lui faisaient. Leur amour moqueur ridiculisait souvent son objet. Elles tenaient à plaisanter. Leur cruel esprit d’observation ne se reposait point et leur fantaisie dédaignait le bon sens. Ainsi, elles avaient sans raison baptisé leur pro-