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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/47

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CHOSE DU MONDE
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depuis ce temps ; mais elle savait bien maintenant qu’elle ressemblait à son père, et qu’elle avait exactement les yeux de sa mère.

Elle tenait beaucoup plus de son père cependant. Elle aurait pu être heureuse avec lui. Constamment pris par les affaires, il ne s’occupait de ses enfants qu’en passant. Souvent autrefois, elle avait envié les petites filles qui sortaient avec leur père ; jamais, dans toute sa vie, pareil bonheur ne lui avait été accordé. Le sien paraissait bien fier de ses succès en musique ; il exhibait volontiers son talent, si quelqu’un venait à la maison : il lui demandait parfois négligemment ce qu’elle lisait, mais pourquoi, hélas, n’essayait-il pas de la faire parler avec abandon ? Tous les deux en auraient été tellement plus heureux, pensait Lucette, qui regrettait cette amitié dont sa timidité la privait.

Avec les siens elle n’osait jamais se montrer naturelle.

Mais elle s’évadait de l’atmosphère pour elle déprimante de la maison, car sociable, constante, elle savait conserver ses amitiés. Elle plaisait : les témoignages d’affection qui lui faisaient défaut chez elle, lui étaient prodigués par sa marraine, ses cousines et Monique et Claire et Nicole.

À part l’étude de son piano, rien d’important, rien de sérieux ne l’occupait. Quand elle en avait assez des gammes et des sonates, elle sortait.