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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/63

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la terre rousse. Bonaventure, New-Carlisle, Paspébiac, Petit et Grand Pabos ; caps, grandes ou petites baies, montagnes penchées sur l’eau, barachois blonds, rochers, îlots… À Port Daniel, le soleil couchant embrasait la mer, bordant d’un trait clair la ligne des monts assombris, aux pieds desquels luisait une anse où dormaient des barques de pêche. Lucette n’aurait pu définir ce qu’elle éprouvait. Ce petit train s’avançait comme un train de rêve. Le film coloré s’enroulait féerique dans sa mémoire émerveillée ; des montagnes sans fin à côté de la mer soyeuse ; des falaises fauves prolongées par des rochers aux formes bizarres sculptés par les vagues ; des champs d’iris mauves, des villages calmes et poétiques, où, en juin, les lilas fleurissaient encore ; sur un bout de grève déserte que la marée en baissant découvrait, des hérons méditaient, immobiles sur leurs longues pattes.

Le film semblait s’achever. Lucette, maintenant seule sur le balcon-observatoire, bravait le froid qui montait avec la nuit. Le soleil tomba brusquement derrière les montagnes ; et celles-ci devinrent noires sous la bande rougeoyante du ciel. Un petit feu s’alluma sur la mer sombre et la lune sortit pareille à un prodigieux ballon pourpre. Elle monta, pâlissant, rayant l’eau d’une colonne vermeille, et, lorsqu’elle fut mieux sus-