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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/84

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LA PLUS BELLE CHOSE DU MONDE

C’était un beau jour de l’été précédent. Les autres jeunes filles avaient préféré goûter en arrivant, et renoncer au bain. Nicole, avec son indépendance accoutumée, s’en était allée seule en barque, sur le lac brillant, et du tremplin, à deux cents pieds de la rive, elle avait plongé. Puis elle avait nagé sur le côté, fière de ses gestes rythmés, corrects, aisés comme de grands pas. L’eau était froide. Multipliant les mouvements rapides, elle eut tout de suite chaud dans cette onde fraîche, et se sentit heureuse de sa solitude.

Pour se reposer, elle flottait ; et ses paupières fermées mettaient un rideau rose entre elle et le monde. Le soleil brûlait son visage, son corps. Elle avait une façon chrétienne de vivre cette béatitude physique et, tout bas, remerciait Dieu. Elle aurait du reste crié tout haut sa reconnaissance. Jamais aucun doute n’altérerait sa foi. Où serait le sens de la vie, sans une divinité pour recueillir nos larmes, et nous préparer un ciel ? Elle savait l’existence tissée de maux, d’ennuis, et ne la redoutait pas ; on accumule lentement des mérites, on reçoit toujours à temps les secours surnaturels.

Mais si Nicole n’avait aucune crainte de la vie, elle la considérait avec gravité. Puritaine par tempérament, elle méprisait les plaisirs, les frivolités, dédaignait la danse, les mondanités, le