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LA PLUS BELLE CHOSE DU MONDE

vertes ; elle imaginait une bordure de peupliers très hauts, bruissants, et le murmure du courant, et le parfum d’un champ de foin d’odeur...

— Si j’étais Claire, je ne lirais pas, je me baignerais. Moi, je lis parce que je n’ai aucune autre consolation.

À quoi comparer le délice de nager dans de l’eau fraîche ? Le sort s’affirmait injuste : être pauvre ; ne recevoir aucune invitation pour la campagne, habiter sans répit la ville déserte et chaude. Monique, d’ennui, eut soudain les yeux remplis de larmes.

Au début de l’été, Jacques Préfontaine avait été enlevé par la conscription, et déjà, il voguait vers l’Angleterre. Tout le pays canadien-français avait été bouleversé par ce nouvel ordre du gouvernement.

Si Monique rencontrait un régiment en route pour Valcartier, où les troupes s’entraînaient, son cœur débordait de pitié. Elle n’aimait pas Jacques, mais elle avait été affligée par ce qu’il lui avait écrit de ce camp. Il vivait avec des hommes sans éducation, ramassés sur les chemins. Il devait obéir à des officiers mal disposés. L’antipathie séculaire entre les deux races fermentait, et quelquefois éclatait. Monique soupira. La guerre durerait-elle toujours ?