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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/99

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Elle écouta sonner cinq heures : elle lissa les plis de sa fraîche robe de mousseline, puis elle vit rentrer du travail, des jeunes filles qui gagnaient leur vie comme dactylographes. Travailler par des jours pareils, c’était plus dur que de flâner sur un balcon ; mais le lendemain, samedi, elles seraient payées. Monique n’avait jamais un sou. Pire que cela, elle entendait répéter tout le long du jour que l’argent manquait. Pourquoi ses parents avaient-ils ce préjugé ridicule : trouver déshonorant que les jeunes filles embrassent une carrière ? Pourquoi poussaient-ils les hauts cris quand Monique parlait de chercher un emploi ? Elle n’attendrait pas indéfiniment le mari riche ; l’un après l’autre ses rêves tombaient. Pourquoi ne pas donner des leçons particulières ? À l’automne, elle chercherait des élèves. À quoi bon ses beaux yeux, ses cils longs et noirs, ses cheveux blonds ? Personne ne l’aimait, personne ne lui offrait de royaume. Elle aspirait au bonheur et le bonheur ne venait pas. S’il allait ne jamais paraître ? Si jamais cette soif qu’elle sentait brûlante en elle n’était désaltérée ?

La sonnerie du téléphone retentit. Elle entra pour répondre, avec cet habituel empressement qu’elle apportait à courir au-devant de l’imprévu. On demandait sa mère ; mais avant qu’elle eût achevé de dire : « Un instant, s’il vous plaît »,