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Page:LeNormand - Le nom dans le bronze, 1933.djvu/53

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LE NOM DANS LE BRONZE

sur lui, dans cette existence si compliquée. Mais justement ce geste d’affection a entraîné la phrase d’alarme, changé sa grande joie en appréhension. Ô la dérision de sa confiance heureuse de l’après-midi, de ses paroles optimistes. Elle serait toujours contente, elle s’arrangerait pour l’être, et déjà la douleur la force à se rendre aux idées acerbes des gens déçus, à apprendre la lourdeur de la vie.

La nuit vient. La ville s’apaise. Marguerite écoute le bruit de la conversation, qui monte de la véranda, où se reposent ses parents ; bruit monotone, calme, agaçant pour sa sensibilité exaspérée. Qu’ils sont tranquilles, satisfaits de peu, ses parents ! Ont-ils déjà subi des crises pareilles à celle qu’elle traverse ? Leur jeunesse fut-elle tourmentée ? En tous cas, leur présent prosaïque paraît bien leur suffire. Comme la jeune fille se représente difficilement que sa mère a été belle, qu’elle a eu vingt ans. Maintenant elle va et vient dans la maison, travaille, prie. Elle ne voyage pas, elle a l’air de ne rien désirer, ou les désirs qu’elle affirme concernent toujours autrui, ses enfants ou petits-enfants. Ses jours coulent uniquement remplis de de-