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LE NOM DANS LE BRONZE

distance, des croix du chemin et des moulins à vent, entre les maisons espacées.

De Berthier ensuite, Marguerite s’abandonne à la joie de vivre, de rouler sur une belle route, de retrouver son insouciance avec la douceur du moment présent. L’ivresse du vent, la vitesse, le décor changeant comme un décor de rêve, l’air transparent et doré grisent sa jeunesse. Elle ne ressent plus ni ennui, ni regret, ni angoisse, mais uniquement le délice d’être vivante, les yeux bien ouverts. Dans les pentes, l’auto semble plonger et Marguerite éprouve aussi la sensation physique de plonger avec ravissement dans l’inconnu, et elle flotte ensuite sur une vague de joie qui la berce.

Les paysages qui ont tant de prise sur elle ajoutent à sa sérénité reconquise. Peu de routes sont plus diverses, plus intéressantes. Pendant tout le trajet, à droite, c’est le fleuve, à gauche, une capricieuse ligne de forêt qui accompagne à son gré le chemin, qui s’éloigne et se rapproche tour à tour, quelquefois verte, quelquefois plus sombre, presque noire sous la barre plus claire de l’horizon. Entre les champs riches,