Aller au contenu

Page:Les Soirées de Médan.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
41
L’ATTAQUE DU MOULIN

ensemble. Elle se rendit au taillis, le visita. Un merle seul s’envola, en sifflant sa phrase douce et triste. Alors, elle pensa qu’il s’était réfugié dans un creux de roches, où il se mettait parfois à l’affût ; mais le creux de roches était vide. À quoi bon le chercher ? elle ne le trouverait pas ; et peu à peu le désir de le découvrir la passionnait, elle marchait plus vite. L’idée qu’il avait dû monter dans un arbre lui vint brusquement. Elle avança dès lors, les yeux levés, et pour qu’il la sût près de lui, elle l’appelait tous les quinze à vingt pas. Des coucous répondaient, un souffle qui passait dans les branches lui faisait croire qu’il était là et qu’il descendait. Une fois même, elle s’imagina le voir ; elle s’arrêta, étranglée, avec l’envie de fuir. Qu’allait-elle lui dire ? Venait-elle donc pour l’emmener et le faire fusiller ? Oh ! non, elle ne parlerait point de ces choses. Elle lui crierait de se sauver, de ne pas rester dans les environs. Puis, la pensée de son père qui l’attendait, lui causa une douleur aiguë. Elle tomba sur le gazon, en pleurant, en répétant tout haut :

— Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi suis-je là !

Elle était folle d’être venue. Et comme prise de peur, elle courut, elle chercha à sortir de la forêt. Trois fois, elle se trompa, et elle croyait qu’elle ne retrouverait plus le moulin, lorsqu’elle déboucha dans une prairie, juste en face de Rocreuse. Dès qu’elle aperçut le village, elle s’arrêta. Est-ce qu’elle allait rentrer seule ?

Elle restait debout, quand une voix l’appela doucement :

— Françoise ! Françoise !

Et elle vit Dominique qui levait la tête, au bord d’un