Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/157

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est une grande admiratrice de l’écrivain de Notre Cœur. Peut-être est-ce de Gabriele d’Annunzio qu’elle tient cette sympathie... Au moment de se séparer, Mme de Maupassant dit à l’actrice : « Vous avez le génie et la renommée ; que puis-je souhaiter pour vous ? » — « Le repos », lui répondit simplement l’illustre actrice. Mme de Maupassant répliqua : « En retour, souhaitez-le à celle qui n’aura de repos que dans la mort ».

C’était le cri d’un corps blessé et d’une âme plaintive. Une hypertrophie du cœur, durant vingt ans, a fait de l’existence de cette femme qui vient de mourir un intolérable supplice. Condamnée à la réclusion, elle s’était fait une société choisie de fidèles qui ne l’obsédaient pas et pour lesquels son affection n’était pas une tyrannie. C’étaient les livres de ses préférés,

    périeures, la majesté sereine et triste de la vieille mère devant la grâce affectueuse de l’artiste qui faisait sortir de son âme les trésors de tendresse respectueuse qu’elle avait comme accumulés. Madame de Maupassant entendait l’italien, le parlait au besoin ; dans la conversation, elle parla français comme elle le parlait avec la pureté classique la plus parfaite et la simplicité la plus élégante. La Duse parla italien, ajoutant le charme de la langue au charme de sa personne, la chaleur de l’expression à la chaleur du sentiment, et lorsque Madame de Maupassant demanda à la grande artiste ce qu’elle pouvait lui souhaiter, à elle qui avait la gloire et le génie, c’est en italien qu’elle lui répondit : "La pace !"

    « Et de quel ton, cher ami ! Dans ce seul mot se dévoilèrent toutes les douleurs de cette âme sublime ». [A. L.].