Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/209

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délices qui lui sont ravies. Il s’émeut et pour la première fois il chante :

Oui certes le pays est un bien doux remède,
On n’entend plus parler des calculs d’Archimède,
On y met de côté Virgile et Cicéron.
On passe tout le jour couché sur le gazon,
On boit, ou mange, on dort, sans souci, sans tristesse,
On a le cœur rempli de joie et d’allégresse.
Fait-il beau ? — Tout de suite on va se promener.
Avez vous faim ? — Eh ! bien vous allez déjeuner
Et quel plaisir de voir dans les belles campagnes
Les épis déjà mûrs et du haut des montagnes
De suivre un frêle esquif qui glisse sur les eaux.

On retrouve dans cette effusion puérile la parfaite ressemblance du petit « poulain échappé » que la tendresse maternelle de Mme de Maupassant me dépeignait l’autre jour. Le poulain s’ennuie : il a la nostalgie des pommiers en fleurs. Et lorsqu’il s’en va le jeudi se promener avec ses camarades aux environs d’Yvetot sa tristesse en est accrue. Il rapporte de ces excursions un sentiment plus aigu de sa misère. Et il s’adresse, comme Mme Deshoulières, aux moutons, aux innocents moutons qu’il a rencontrés :

Paissez, moutons, paissez sur les vertes prairies.
Suivez en bondissant les bords d’un clair ruisseau.
Broutez le vert gazon des campagnes fleuries
Et le bourgeon naissant du fragile arbrisseau.
Vous regardez courir vos timides agneaux
Au milieu des bouquets tout remplis de verdure,
Vous êtes les enfants chéris de la nature,
Ses plaisirs sont pour vous toujours doux et nouveaux.