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Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/208

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octavo cousues ensemble : à chaque page sont des annotations au crayon, des épithètes biffées, des points d’interrogation rageusement jetés dans les marges. Ces corrections sont dues, selon toute probabilité, à Gustave Flaubert, qui surveillait d’un œil sévère les travaux de son élève et ne lui ménageait pas les conseils. Sur le faux-titre en manière de préambule, sont déposés six alexandrins :

Je laisse s’écouler ma pensée ingénue :
Telle qu’elle me vient je l’écris toute nue,
Elle est naïve et simple ainsi qu’un front sans fard
Et les cheveux aux vents elle vole au hasard
Après un moucheron, un sourire, un nuage,
Un baiser suffirait pour la rendre sauvage.

Les mots en italique sont soulignés. Gustave Flaubert n’avait pas manqué de faire observer à Maupassant qu’une même pensée ne peut pas, tout ensemble, s’écouler et s’envoler les cheveux aux vents, et sans doute lui avait reproché, avec son habituelle vivacité, l’incohérence de cette image. Les pièces qui suivent sont celles qui remontent aux dates les plus anciennes, car dans le cahier, l’ordre chronologique est assez fidèlement suivi. Tous les vers composés par Maupassant, entre 13 et 17 ans, ont le même accent. Ils respirent un naïf amour du pays natal et des beautés par lesquelles son cœur a été touché. Mais l’enfant n’exalte pas ces beautés au moment où il en peut jouir ; il s’attendrit sur elles, alors qu’il les a perdues, quand il a passé du vagabondage d’Étretat à la captivité du collège d’Yvetot. Enfermé dans la funèbre salle d’études, il aspire aux