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Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/215

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Chose vue hier soir dans la rue

Sa joue était gluante et suait sous le fard,
Son œil glauque s’ouvrait stupide et sans regard,
Sa mamelle ballait et tombait sur son ventre,
Sa mâchoire édentée et noire comme un antre
Hideuse s’entr’ouvrait, foyer d’infections
Qui vous sautaient au nez avec chaque parole,
On sentait clapoter sous la chair flasque et molle
Le liquide visqueux des putréfactions.

Quelquefois il trouve dans cette note des vers d’un emportement superbe. Ceux-ci égalent s’ils ne les dépassent par la plénitude de l’énergie, les Iambes d’Auguste Barbier :

À l’heure où l’ombre vient et couvre la cité
On voit grouiller l’essaim des femmes demi-nues,
Légion de vermines, on ne sait d’où venues,
Flot abject et rampant par la nuit apporté.
Nul œil vivant n’en peut compter la multitude,
Leur nombre va croissant sur le trottoir obscur,
C’est la larve qui vient dans sa décrépitude
Ronger le vieux Paris, ainsi qu’un fruit trop mûr.
C’est le ver qui s’attache à toute pourriture,
Car la jeunesse est morte et leur sert de pâture.

Enfin, après ces hésitations, Guy de Maupassant arrive à saisir son équilibre. Il n’est plus fade, il n’est plus bouffon, il n’est plus brutal, il est moins amer. Il se borne à rendre ce qu’il aperçoit autour de lui et ce qu’il ressent lui-même. Une ironie tranquille et un peu triste sort de ce qu’il écrit. Cela est comique et cela ne prête pas à rire car cela recouvre l’abîme des médiocrités et des détresses hu-