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Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/42

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tant d’hommes de génie, de talent et de vaillance, qui, - en tout temps et de nos jours, - l’ont bien servie ou ont eu ce bonheur suprême d’ajouter de la gloire nouvelle à sa gloire passée.

Maupassant fut un bon Normand, malgré quelques dissentiments d’apparence avec la terre natale. M. Henry Fouquier fait de l’écrivain un bel éloge :

C’est injustement qu’on a voulu faire de lui je ne sais quel artiste impassible, incapable de sensibilité et d’émotion. C’est à tort qu’on a voulu qu’il fût un écrivain seulement « objectif », c’est-à-dire, pour parler une langue moins abstraite, incapable de ressentir les sentiments de ses héros et de livrer quelque chose de lui-même dans son œuvre, fût-ce, comme disait Dumas, un lambeau douloureux de sou cœur. Une œuvre ne vivrait pas, où l’artiste n’aurait rien mis de lui, de son âme et de sa vie ! Ce qui est vrai, c’est que Guy de Maupassant se trouva être tout naturellement, dès la première heure, sans imitation, peut-être sans beaucoup d’étude, et d’instinct plus que de vouloir, de la grande école des écrivains classi- ques. Comme tel, il est de style clair, sobre ; acceptant l’image quand elle s’offre à lui, ne la cherchant pas quand même, la gardant comme esclave et jamais comme maîtresse et source de la pensée. Il a l’horreur de la déclamation, qui est le mensonge de la vigueur, et de la sensiblerie, caricature de la sensibilité. En cela, il est très près de cet autre Normand illustre, Mérimée. Mais, à l’heure où l’immortalité du marbre et du bronze est assurée à un écrivain, il entre à la fois dans la légende et la légende doit disparaître pour lui. Au visage de Maupassant il faut ôter le masque d’insensibilité qu’on lui attribue trop aisément, quand bien même il aurait voulu lui-même l’attacher sur ses traits qu’il cache. Il faut sa-