Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/95

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le jugement, sa mère vivra à côté de lui et ne se résoudra jamais à respecter son serment de verser à son fils le poison, de mettre un terme à la misérable existence qui lui pèse).

En tout cas, sur ce dénouement, Madame Lecomte du Nouy n’a pas d’opinion. Elle a été trop émue, aux Revenants, pour émettre sur cette œuvre un avis équitable. Elle secoua ses nerfs douloureusement en sonnant le glas des souvenirs.

— Vous avez pensé à notre ami Guy de Maupassant ? questionna l’auteur de Renée et de Mme de Karnel.

— Oui ; bien que, si loin que l’on remonte dans la lignée de ses aïeux, on ne trouve en eux aucune tare héréditaire. Tous ces Marquis de Maupassant furent des esprits sains dans des corps robustes. Même force dans l’ascendance maternelle, les Le Poittevin.

— Comment donc survint la crise qui devait emporter notre ami ?

— Dès les premiers jours du mois de décembre 1891 qui précéda la catastrophe, Maupassant, malade depuis longtemps, commença à sortir de son calme. Il avait la fièvre : il marchait et parlait nerveusement : cela ne lui était pas habituel. À partir de ce moment son domestique, le fidèle François, commença à s’inquiéter. Un soir le brave garçon fut réveillé par des détonations ; il courut aussitôt à la chambre de son maître et le trouva tranquillement installé à sa fenêtre, en train de tirer des coups de revolver dans le noir de la nuit. Il tirait ainsi, sans viser, au hasard, croyant avoir entendu escalader