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AU SEUIL DU PRINTEMPS
ÉPINES BLANCHES, ÉPINES ROSES

Je lisais, l’autre jour, à propos de cet hiver relativement doux, — qui s’achève aujourd’hui — qu’il y en eut au cours des siècles précédents, où dès février fleurissaient les aubépines. Mon cœur a battu à ce nom qui est celui de mon premier amour pour une fleur.

Aujourd’hui encore je retrouve pour les regarder, l’âge et le cœur que j’avais quand je les vis pour la première fois. Du plus loin que j’aperçois dans une haie leur gaze blanche renaît l’enfant que j’étais alors. Aussi l’impression faible et nue, que seule éveillent en moi d’autres fleurs, se trouve-t-elle renforcée, pour les aubépines, par des impressions plus anciennes et plus jeunes qui l’accompagnent comme les fraîches voix de ces choristes invisibles, qu’à certaines représentations de gala on fait soutenir et étoffer la voix fatiguée d’un vieux ténor, pendant qu’il chante une de ses mélodies d’autrefois. Alors, si je m’arrête