Aller au contenu

Page:Marcel Proust - Chroniques, éd. 1936.djvu/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
142
CHRONIQUES

société française… » qui a peu à peu ébranlé les bases de l’édifice social » et les causes de ce fléau doivent être cherchées selon lui « dans la tendance démocratique et égalitaire, au sens le plus vulgaire du mot ». — « … Quand la monarchie existait sous la forme raide et compassée de Louis XIV, le point de vue général de la vie publique se trouvait en haut et les efforts communs de tous les artisans tendaient inconsciemment vers un but élevé. » Pour ce qui est du fléau lui-même et de sa prétendue aggravation au xixe siècle, que l’auteur de Sens dessus dessous ouvre n’importe quelle histoire du costume, quel recueil de lois somptuaires, qu’il relise Alexis ou Théocrite, les Quinze joies du Mariage, les Sermons de Maillard, ou la Toilette d’une dame romaine au siècle d’Auguste, il se convaincra que, si la toilette est un fléau, ce fléau n’a pas attendu le xixe siècle pour sévir et que notre temps est un de ceux où il est le moins effroyable. Aristophane disait déjà dans Lysistrata par la bouche de Calonice : « Eh ! comment les femmes accompliraient-elles un acte sensé, elles qui vivent au fond de leurs demeures, vêtues de légers tissus de soie jaune ou de longues robes flottantes, parfumées, fardées, parées de fleurs et chaussées d’élégants brodequins. » Il me semble que l’auteur de Sens dessus dessous est plus paradoxal encore quand il attribue le développement du fléau à une influence « démocratique et égalitaire ». Si sous la vieille monarchie « tous les regards étaient tournés en haut », comme il l’assure, pense-t-il sérieusement qu’ils y contemplaient un spectacle bien édifiant d’inélégance et de simplicité ? M. de Laferrière énumère dans un de ses livres toutes les parties du trousseau désormais célèbre d’une dame d’honneur de la cour