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Page:Marcel Proust - Chroniques, éd. 1936.djvu/163

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NOTES ET SOUVENIRS

Saint-Wulfran avant que le soleil ait quitté les tours, sont des choses pour lesquelles il faut chérir le passé jusqu’à la fin. »

La place me manque pour continuer à vous traduire ainsi à livre ouvert des pages de Ruskin. Combien d’autres vous donneraient le désir d’aller à Beauvais, à Saint-Lô, à Dijon, à Chartres. Je ne parle pas de cet Amiens dont il disait que « le voyageur » n’y voit qu’une station où il sait qu’il a le privilège d’un buffet bien servi et de dix minutes d’arrêt, mais ne sait pas que ces dix minutes d’arrêt lui sont accordées à moins de minutes du square central d’une ville qui fut un jour comme la Venise de la France, habile comme la Princesse adriatique dans le travail de l’or, du verre, de la pierre, du bois, de l’ivoire ; comme une Égyptienne à tisser le lin, et délicate comme les filles de Judeh à marier les différentes couleurs de ses laines.

Sur Amiens, Ruskin, écrit tout un livre, La Bible d’Amiens, dont j’essayerai, dans un prochain numéro du Correspondant, de donner une idée et de publier d’importants fragments, études ruskiniennes que je continuerai dans diverses publications et notamment la Gazette des Beaux-Arts. Si ces lignes tombaient sous les yeux de quelques-uns de ces amis et disciples chers de Ruskin, que j’ai si souvent enviés, en lisant qu’ils l’accompagnaient dans ses fréquentes visites à ses vieilles amies les cathédrales françaises, je ne puis leur dire combien je leur serais reconnaissant de me faire savoir quel eût été le contenu des Sources de l’Eure et de Domremy, ces ouvrages sur la cathédrale de Rouen et sur la cathédrale de Chartres, que Ruskin n’a pas eu le temps d’écrire et qui devaient