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Page:Marcel Proust - Chroniques, éd. 1936.djvu/171

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NOTES ET SOUVENIRS

gouvernement non seulement ne subventionnera plus la célébration des cérémonies rituelles dans les églises, mais pourra les transformer en tout ce qui lui plaira : musée, salle de conférence ou casino. Ô vous ! monsieur André Hallays, qui allez répétant que la vie se retire des œuvres d’art, dès qu’elles ne servent plus aux fins qui présidèrent à leur création, qu’un meuble qui devient un bibelot et un palais qui devient un musée se glacent, ne peuvent plus parler à notre cœur, et finissent par mourir, j’espère que vous allez cesser pour un moment de dénoncer les restaurations plus ou moins maladroites qui menacent chaque jour les villes de France que vous avez prises sous votre garde, et que vous allez vous lever, donner de la voix, harceler, s’il le faut, M. Chaumié, mettre en cause, au besoin, M. de Monzie, rallier M. John Labusquière, réunir la Commission des monuments historiques. Votre zèle ingénieux fut souvent efficace, vous n’allez pas laisser mourir d’un seul coup toutes les églises de France.

Il n’y a pas aujourd’hui de socialiste ayant du goût qui ne déplore les mutilations que la Révolution a infligées à nos cathédrales, tant de statues, tant de vitraux brisés. Eh bien, il vaut mieux dévaster une église que la désaffecter. Tant qu’on y célèbre la messe, si mutilée qu’elle soit, elle garde au moins un peu de vie. Du jour où elle est désaffectée elle est morte, et même si elle est protégée comme monument historique d’affectations scandaleuses, ce n’est plus qu’un musée. On peut dire aux églises ce que Jésus disait à ses disciples : « Excepté si l’on continue à manger la chair du fils de l’homme et à boire son sang. Il n’y a plus de vie en vous » (Saint Jean, vi,