(ces quatre vers pris au hasard dans la Maison du Berger
d’Alfred de Vigny).
Bien des vers du Balcon de Baudelaire donnent aussi cette impression de mystère. Mais ce n’est pas cela qui est le plus frappant chez lui. À côté d’un livre comme les Fleurs du Mal, comme l’œuvre immense d’Hugo paraît molle, vague, sans accent. Hugo n’a cessé de parler de la mort, mais avec le détachement d’un gros mangeur, et d’un grand jouisseur. Peut-être hélas ! faut-il contenir la mort prochaine en soi, être menacé d’aphasie comme Baudelaire, pour avoir cette lucidité dans la souffrance véritable, ces accents religieux, dans les pièces sataniques :
Il faut que le gibier paye le vieux chasseur
… Avez-vous donc pu croire, hypocrites surpris
Qu’on se moque du maître et qu’avec lui l’on triche,
Et qu’il soit naturel de recevoir deux prix,
D’aller au ciel et d’être riche.
peut-être faut-il avoir ressenti les mortelles fatigues
qui précèdent la mort, pour pouvoir écrire sur elle
le vers délicieux que jamais Victor Hugo n’aurait
trouvé :
Et qui refait le lit des gens pauvres et nus.
Si celui qui a écrit cela n’avait pas encore éprouvé le mortel besoin qu’on refît son lit, alors c’est une « anticipation » de son inconscient, un pressentiment du destin qui lui dicta un vers pareil. Aussi je ne puis tout à fait m’arrêter à l’opinion de Paul Valéry qui,