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CHRONIQUES

Les soirs illuminés par l’ardeur du charbon

vers auquel je préfère d’ailleurs dans les Bijoux :

Et la lampe s’étant résignée à mourir
Comme le foyer seul illuminait la chambre
Chaque fois qu’il poussait un flamboyant soupir
Il inondait de sang cette peau couleur d’ambre.


mais dans les pièces condamnées elle est fatigante et inutile. Quand on a dit au premier vers

Pour savoir si la mer est indulgente et bonne,

à quoi bon redire au cinquième

Pour savoir si la mer est indulgente et bonne.


Il n’en est pas moins vrai que les magnifiques pièces ajoutées aux autres, font, comme écrivait Sainte-Beuve sans savoir si bien dire, un tout autre effet[1]. Elles reprennent leurs places entre les plus hautes pièces du livre comme ces lames altières de cristal qui s’élèvent majestueusement, après les soirs de tempête et qui élargissent de leurs cimes intercalées, l’immense tableau de la mer. L’émotion est accrue encore quand on apprend que ces pièces n’étaient pas là seulement au même titre que les autres, mais que pour Baudelaire elles étaient tellement les pièces capitales qu’il voulait

  1. Je n’ose plus parler des procédés de Sainte-Beuve à l’égard de Baudelaire ; j’ai appris en effet que j’avais été devancé par M. Fernand Vandérem lequel dans une remarquable brochure, en discutant d’une façon irréfutable des textes incontestés, a établi l’affreuse vérité.