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CHRONIQUES

Mais, dire qu’elle irait « avec ses clefs », impliquait la prétention de se rendre au tombeau même de son oncle, que l’empereur Nicolas devait aller visiter !…

On n’osa pas aller jusque-là ; mais, le matin même du jour où l’Empereur devait aller prier devant le tombeau de Napoléon Ier, un ami de la princesse, l’amiral Duperré, croyons-nous, accourut de très bonne heure chez elle, lui annoncer que les dernières difficultés étaient levées, qu’elle était autorisée à aller aux Invalides « avec ses clefs », comme bon lui semblerait.

La visite devait avoir lieu quelques instants après. La princesse n’eut que le temps de se préparer, d’emmener avec elle une amie qui fît ce jour-là fonctions de dame d’honneur (nous ne nous souvenons plus si c’était Mlle Rasponi ou la vicomtesse Benedetti) et, reçue avec tous les honneurs dus à son rang, de pénétrer dans le caveau où personne ne put entrer qu’elle et sa dame d’honneur.

Peu d’instants après, le Tsar l’y rejoignait, lui donnant toutes les marques de la plus respectueuse affection.

Il était accompagné de M. Félix Faure, Président de la République, qui se fit présenter à la princesse, lui baisa la main, et ne cessa, ce jour-là comme tous les autres, de faire preuve de ce tact parfait qu’il savait si bien allier à la plus haute fermeté républicaine et au patriotisme le plus éprouvé.

Dominique
Le Figaro, 25 février 1903.