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Page:Marcel Proust - Chroniques, éd. 1936.djvu/57

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LES SALONS. LA VIE DE PARIS

été projeté en avant. Cette manière de « garder les distances » est d’ailleurs exactement la même chez M. d’Haussonville, transposée naturellement dans « l’habitude » (pour prendre le mot dans le sens qu’il avait au xviie siècle hérité du latin) d’un salut d’homme. Comme Mme d’Haussonville, si simple qu’elle soit, a une intimité assez fermée, beaucoup ne connaissent d’elle que cet abord royal et peuvent alors seulement présager l’intelligence et le cœur, qui sont chez elle exquis. M. d’Haussonville est forcément plus répandu. Il est l’ornement de divers salons littéraires où son amabilité, prise au pied de la lettre par des personnes qui lui sont présentées et qui souvent sont peu habituées à interpréter exactement ce que Balzac aurait appelé « le grimoire de la politesse », leur fait croire qu’elles vont entrer en relations suivies avec lui. D’où d’assez comiques déconvenues. On aurait tort d’ailleurs de croire que M. d’Haussonville se laissa jamais dominer par des préjugés de caste. « Je vous dirai qu’au cercle je fais partie d’un petit groupe qui se fiche absolument du mérite personnel », dit un des personnages de ces étonnants travaux d'Hercule de Gaston de Caillavet et de Robert de Flers, où au milieu de la plus délicieuse opérette, il y a de superbes scènes de grande comédie. Ni au cercle ni dans le monde, M. d’Haussonville ne fait partie de ce groupe-là. Le mérite personnel, pour lui c’est justement cela qui compte avant tout. Et dans le salon de la rue Saint-Dominique l’abbesse de Remiremont, dont le portrait est pendu à la muraille, a vu défiler des gens de mérite de tous les genres et de tous les partis, dont beaucoup n’avaient aucun des quartiers qu’il fallait prouver pour être admis dans son aristocratique chapitre. De tous les « conser-