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JOURNÉES DE LECTURE

Vous avez sans doute lu les Mémoires de la comtesse de Boigne. Il y a « tant de malades », en ce moment, que les livres trouvent des lecteurs, même des lectrices. Sans doute, quand on ne peut sortir et faire des visites, on aimerait mieux en recevoir que de lire. Mais « par ces temps d’épidémies », même les visites que l’on reçoit ne sont pas sans danger. C’est la dame qui de la porte où elle s’arrête un moment — rien qu’un moment, — et où elle encadre sa menace, vous crie : « Vous n’avez pas peur des oreillons et de la scarlatine ? Je vous préviens que ma fille et mes petits-enfants les ont. Puis-je entrer ? » ; et entre sans attendre de réponse.

C’est une autre, moins franche, qui tire sa montre : « Il faut que je rentre vite : mes trois filles ont la rougeole ; je vais de l’une à l’autre ; mon Anglaise est au lit depuis hier avec une forte fièvre, et j’ai bien peur que ce soit mon tour d’être prise, car je me suis sentie mal à l’aise en me levant. Mais j’ai tenu à faire un grand effort pour venir vous voir… » Alors on