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Page:Maupassant - Boule de suif, 1902.djvu/197

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l’aveu

Toutes les vaches, surprises, avaient cessé de pâturer, et, s’étant retournées, regardaient de leurs gros yeux. La dernière meugla, le mufle tendu vers les femmes.

Après avoir tapé jusqu’à perdre haleine, la mère Malivoire, essoufflée, s’arrêta ; et reprenant un peu ses esprits, elle voulut se rendre tout à fait compte de la situation :

— Polyte ! Si c’est Dieu possible ! Comment que t’as pu, avec un cocher de diligence. T’avais ti perdu les sens ? Faut qu’i t’ait jeté un sort, pour sûr, un propre à rien !

Et Céleste, toujours allongée, murmura dans la poussière :

— J’y payais point la voiture !

Et la vieille Normande comprit.

Toutes les semaines, le mercredi et le samedi, Céleste allait porter au bourg les produits de la ferme, la volaille, la crème et les œufs.

Elle partait dès sept heures avec ses deux vastes paniers aux bras, le laitage dans l’un, les poulets dans l’autre ; et elle allait attendre sur la grand-route la voiture de poste d’Yvetot.

Elle posait à terre ses marchandises et s’asseyait dans le fossé, tandis que les poules au bec court et pointu, et les canards au bec large et plat, passant la tête à travers les barreaux d’osier, regardaient de leur œil rond, stupide et surpris.

Bientôt la guimbarde, sorte de coffre jaune coiffé