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Page:Maupassant - Conte de la bécasse, 1906.djvu/250

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un fils

Une grande corbeille de ravenelles exhalait des souffles sucrés et délicats ; un tas de fleurs de toute race et de toute nuance jetaient leurs odeurs dans la brise, tandis qu’un faux-ébénier, vêtu de grappes jaunes, éparpillait au vent sa fine poussière, une fumée d’or qui sentait le miel et qui portait, pareille aux poudres caressantes des parfumeurs, sa semence embaumée à travers l’espace.

Le sénateur s’arrêta, huma le nuage fécondant qui flottait, considéra l’arbre amoureux resplendissant comme un soleil et dont les germes s’envolaient. Et il dit : « Quand on songe que ces imperceptibles atômes, qui sentent bon, vont créer des existences à des centaines de lieues d’ici, vont faire tressaillir les fibres et les sèves d’arbres femelles et produire des êtres à racines, naissant d’un germe, comme nous ; mortels, comme nous, et qui seront remplacés par d’autres êtres de même essence, comme nous toujours !

Puis, planté devant l’ébénier radieux dont les parfums vivifiants se détachaient à tous les frissons de l’air, M. le sénateur ajouta : « Ah ! mon gaillard, s’il te fallait faire le compte de tes enfants, tu serais bigrement embarrassé. En voilà