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un fils

Je la rencontrai à peine les jours suivants. Elle ne me laissait point l’approcher. Puis, comme mon camarade était guéri et que nous devions reprendre notre voyage, je la vis entrer, la veille de mon départ, à minuit, nu-pieds, en chemise, dans ma chambre où je venais de me retirer.

Elle se jeta dans mes bras, m’étreignit passionnément, puis, jusqu’au jour, m’embrassa, me caressa, pleurant, sanglotant, me donnant enfin toutes les assurances de tendresse et de désespoir qu’une femme nous peut donner quand elle ne sait pas un mot de notre langue.

Huit jours après, j’avais oublié cette aventure commune et fréquente quand on voyage, les servantes d’auberge étant généralement destinées à distraire ainsi les voyageurs.

Et je fus trente ans sans y songer et sans revenir à Pont-Labbé.

Or, en 1876, j’y retournai par hasard au cours d’une excursion en Bretagne, entreprise pour documenter un livre et pour me bien pénétrer des paysages.

Rien ne me sembla changé. Le château mouillait toujours ses murs grisâtres dans l’étang, à