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Page:Maupassant - Conte de la bécasse, 1906.djvu/277

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saint-antoine

lait le faire manger tout son saoul, riait d’un air content, en faisant signe qu’il était plein.

Alors Saint-Antoine, devenu tout à fait familier, lui tapa sur le ventre en criant : « Y en a-t-il dans la bedaine à mon cochon ! » Mais soudain il se tordit, rouge à tomber d’une attaque, ne pouvant plus parler. Une idée lui était venue qui le faisait étouffer de rire : « C’est ça, c’est ça, saint Antoine et son cochon. V’là mon cochon ! » Et les trois serviteurs éclatèrent à leur tour.

Le vieux était si content qu’il fit apporter l’eau-de-vie, la bonne, le fil en dix, et qu’il en régala tout le monde. On trinqua avec le Prussien, qui claqua de la langue par flatterie, pour indiquer qu’il trouvait ça fameux. Et Saint-Antoine lui criait dans le nez : « Hein ? En v’là d’la fine ! T’en bois pas comme ça chez toi, mon cochon ? »

Dès lors, le père Antoine ne sortit plus sans son Prussien. Il avait trouvé là son affaire : c’était sa vengeance à lui, sa vengeance de gros malin. Et tout le pays, qui crevait de peur, riait à se tordre, derrière le dos des vainqueurs, de la farce de Saint-Antoine. Vraiment, dans la plaisanterie il n’avait pas son pareil. Il n’y avait que lui pour