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Page:Maupassant - Conte de la bécasse, 1906.djvu/278

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saint-antoine

inventer des choses comme ça. Cré coquin, va !

Il s’en allait chez les voisins, tous les jours après midi, bras dessus bras dessous avec son Allemand qu’il présentait d’un air gai en lui tapant sur l’épaule : « Tenez, v’là mon cochon, r’gardez-moi s’il engraisse c’t’animal-là ! »

Et les paysans s’épanouissaient — Est-il donc rigolo, ce bougre d’Antoine !

— J’te l’vends, Césaire, trois pistoles.

— Je l’prends, Antoine, et j’t’invite à manger du boudin.

— Mé, c’que j’veux, c’est d’ses pieds.

— Tâte li l’ventre, tu verras qu’il n’a que d’la graisse.

Et tout le monde clignait de l’œil, sans rire trop haut cependant, de peur que le Prussien devinât à la fin qu’on se moquait de lui. Antoine seul, s’enhardissant tous les jours, lui pinçait les cuisses en criant : « Rien qu’du gras » ; lui tapait sur le derrière en hurlant : « Tout ça d’la couenne » ; l’enlevait dans ses bras de vieux colosse capable de porter une enclume, en déclarant : « Il pèse six cents et pas de déchet. »

Et il avait pris l’habitude de faire offrir à man-