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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/102

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fort comme la mort

— Non, je vais au Cercle.

— Alors, nous vous déposons en passant ?

— Ça me va, merci bien.

— Et quand nous invitez-vous à déjeuner avec la duchesse ?

— Dites votre jour.

Ce peintre attitré des Parisiennes, que ses admirateurs avaient baptisé « un Watteau réaliste » et que ses détracteurs appelaient « photographe de robes et manteaux », recevait souvent, soit à déjeuner, soit à dîner, les belles personnes dont il avait reproduit les traits, et d’autres encore, toutes les célèbres, toutes les connues, qu’amusaient beaucoup ces petites fêtes dans un hôtel de garçon.

— Après-demain ? Ça vous va-t-il, après-demain, ma chère duchesse ? demanda Mme de Guilleroy.

— Mais oui, vous êtes charmante ! M. Bertin ne pense jamais à moi, pour ces parties-là. On voit bien que je ne suis plus jeune.

La comtesse, habituée à considérer la maison de l’artiste un peu comme la sienne, reprit :

— Rien que nous quatre, les quatre du landau, la duchesse, Annette, moi et vous, n’est-ce pas, grand artiste ?

— Rien que nous, dit-il en descendant, et je vous ferai faire des écrevisses à l’alsacienne.

— Oh ! vous allez donner des passions à la petite.

Il saluait, debout à la portière, puis il entra vivement dans le vestibule de la grande porte du Cercle, jeta son pardessus et sa canne à la compagnie de valets de pied qui s’étaient levés comme des soldats au passage d’un officier, puis il monta le large escalier, passa devant une autre brigade de domestiques en