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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/126

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fort comme la mort

il se sentit une envie de le prendre par les épaules et de le jeter dehors.

Musadieu était plein de nouvelles : le ministère allait tomber et on chuchotait un scandale sur le marquis de Rocdiane. Il ajouta en regardant la jeune fille : « Je conterai cela un peu plus tard. »

La comtesse leva les yeux sur la pendule et constata que dix heures allaient sonner.

Il est temps de te coucher, mon enfant, dit-elle à sa fille.

Annette, sans répondre, plia son tricot, roula sa laine, baisa sa mère sur les joues, tendit la main aux deux hommes et s’en alla prestement, comme si elle eût glissé sans agiter l’air en passant.

Quand elle fut sortie :

— Eh bien, votre scandale ? demanda la comtesse.

On prétendait que le marquis de Rocdiane, séparé à l’amiable de sa femme qui lui payait une rente jugée par lui insuffisante, avait trouvé, pour la faire doubler, un moyen sûr et singulier. La marquise, suivie sur son ordre, s’était laissée surprendre en flagrant délit, et avait dû racheter par une pension nouvelle le procès-verbal dressé par le commissaire de police.

La comtesse écoutait, le regard curieux, les mains immobiles, tenant sur ses genoux l’ouvrage interrompu.

Bertin, que la présence de Musadieu exaspérait depuis le départ de la jeune fille, se fâcha, et affirma avec une indignation d’homme qui sait et qui n’a voulu parler à personne de cette calomnie, que c’était là un odieux mensonge, un de ces honteux potins que les gens du monde ne devraient jamais écouter ni répéter. Il se fâchait, debout maintenant contre la