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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/131

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fort comme la mort

comtesse dit à l’artiste avec une parfaite aisance :

— Mais, au fait, pourquoi partez-vous si vite ? il n’est pas minuit. Restez donc encore un peu.

Et ils rentrèrent ensemble dans le petit salon.

Dès qu’ils furent assis :

— Dieu ! que cet animal m’agaçait ! dit-il.

— Et pourquoi ?

— Il me prenait un peu de vous.

— Oh ! pas beaucoup.

— C’est possible, mais il me gênait.

— Vous êtes jaloux ?

— Ce n’est pas être jaloux que de trouver un homme encombrant.

Il avait repris son petit fauteuil, et, tout près d’elle maintenant, il maniait entre ses doigts l’étoffe de sa robe en lui disant quel souffle chaud lui passait dans le cœur, ce jour-là.

Elle écoutait surprise, ravie, et doucement elle posa une main dans ses cheveux blancs qu’elle caressait doucement, comme pour le remercier.

— Je voudrais tant vivre près de vous ! dit-il.

Il songeait toujours à ce mari couché, endormi sans doute dans une chambre voisine, et il reprit :

— Il n’y a vraiment que le mariage pour unir deux existences.

Elle murmura :

— Mon pauvre ami ! — pleine de pitié pour lui, et aussi pour elle.

Il avait posé sa joue sur les genoux de la comtesse, et la regardait avec tendresse, avec une tendresse un peu mélancolique, un peu douloureuse, moins ardente que tout à l’heure, quand il était séparé d’elle par sa fille, son mari et Musadieu.